Le frenchie qui voulait faire fortune à Carona, Kansas
1eres L, Lycée Condorcet Lens
« Vous êtes en retard, Hammett. »
L’Ancien était confortablement installé dans un fauteuil de cuir, qui était au moins aussi vieux que lui, et me fixait d’un regard noir.
Cette journée s’annonçait mal, mais il n’était pas question de contrarier le directeur de l’agence Pinkerton. Je me contentai d’ôter mon chapeau et de m’installer face à lui.
L’Ancien posa sèchement sur le bureau un mince dossier, sans me décrocher un mot, l’air toujours maussade.
L’épaisseur du dossier n’avait rien d’encourageant : sans doute une énième affaire d’adultère ou le braquage minable d’une épicerie du quartier. Sale boulot. Ceci dit, c’était la première fois depuis mon recrutement par l’agence que je remettais les pieds dans ce bureau ; cela devait signifier quelque chose.
Comme s’il avait lu dans mes pensées, l’Ancien poursuivit :
« Et pourtant, c’est votre jour de chance. Nous avons reçu une lettre ce matin : un Frenchie qui nous écrit pour nous demander de retrouver l’assassin de son fils.
Mon sang ne fit qu’un tour. Je dus lutter pour ne pas exploser de joie. L’occasion de faire mes preuves s’offrait à moi. Ma carrière débutait enfin !
Debout face à la large baie vitrée de son monumental bureau, l’Ancien s’absorbait dans la contemplation du Golden Gate Bridge. Il avait allumé un cigare et disparaissait presque derrière un épais nuage de fumée.
« La victime, George Courbot, résidait à Carona. La seule pièce dont nous disposons est une lettre écrite par un certain Adrien Gourdouze, qui déclare être un ami. Tout est dans le dossier.
- Comment est-il mort ? demandai-je, sur un ton que je voulais le plus professionnel possible.
- Votre train est dans exactement quarante minutes. Ne perdez pas de temps. Emportez le dossier, vous l’examinerez en route.
Le ton était sans réplique. Il ne me restait plus qu’à quitter les lieux et à répondre moi-même aux nombreuses questions qui me venaient à l’esprit. J’étais sur le point de sortir quand une dernière phrase m’arrêta :
« Ne me décevez pas, Hammett. »